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29 décembre 2004

Noël

A mon brave commandant Plessis, 1er bataillon du 74e d'infanterie, tué à côté de moi, dans la tranchée de la Tête de Cochon, le 16 février 1915. En souvenir des charges à la baïonnette des nuits de Courgivaux et du bois Carré du Tillois.

NOEL


Noël ! Il fait plus froid que les autres nuits froides.

Blanc de lune, l'acier brûle dans nos mains roides;

La plaine moutonneuse est de givre. Là-haut,

L'étoile des bergers, aux longs cils d'or, bientôt,

Tendrement guidera dans l'ombre aux purs mystères,

L'ardent Alleluia des amants de la Terre.

C'est Noël ! Dans nos trous on a tant de malheur,

Ce soir, les pieds dans l'eau, qu'on a froid jusqu'au coeur.

Du fond du souvenir, chaque soldat qui veille,

Ressuscite un Noël du bon temps qui sommeille.

" Il neige ! Et c'est si bon, la neige des heureux !

" On cause avec son âme ; on fait la route à deux ;

" L'ombre morte s'éveille; à grands cris, les cortèges

" Glissent à pas feutrés, au rythme de la neige ;

" Un manteau de silence, épais, du ciel descend,

" Ouatant le bonheur du village aux toits blancs ;

" Et vers minuit les vieux dont les lanternes bougent

" S'en vont prier, peuplant les bois d'étoiles rouges ;

" L'autel est plein de fleurs, de cierges par-dessus ;

" La crèche est tout en or, et Marie, et Jésus !

"Longtemps après, le chant de l'église qui brille,

" Vit, joyeux, dans la bûche, au foyer qui grésille... "

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais ce soir... Ah ! ce soir, qu'on est triste ! Il fait froid.

Le silence est méchant... Par instants, on perçoit,

D'en face, un choeur sacré, grave comme un cantique.

Dieu ne veut pas souiller son heure magnifique.

Trêve aux échos de mort ! Pas un coup de fusil.

Seul, un discret : Wer da ? le choc clair d'un outil !

Et voici que chemine au long de nos tranchées

Un poilu loqueteux, silhouette penchée.

Il titube... Il a bu. C'est sans doute un cuistot :

Ça chaufferait le ventre, un peu de café chaud !

Mais non, voilà qu'il passe, hâve, la barbe blanche,

Voûté sous son fardeau, cassé sur une branche.

Seigneur ! est-ce bien Lui, surgi de l'irréel ?

Ah! Seigneur! « Halte-là! »... C'est le père Noël !

Il défaille, il s'en va, ses hottes sont usées...

Alors son bras de juste allume des fusées ;

Fouillant les corps fauchés devant les fils de fer,

Semeur du Paradis, sans trêve, il lance en l'air

Paraboles d'éclairs, féeriques trajectoires,

Tout un feu d'artifice aux grands signes de gloire !

Et j'ai vu que c'étaient les âmes de nos morts

Qui montaient jusqu'à Dieu fleurir en gerbes d'or.

Bois de Chauffour, décembre 1914.

Paul VERLET fit la guerre au 74e. Une mauvaise blessure l'éloigna du front en 1916. Il publia, en 1919, un recueil de poèmes rédigés durant la guerre, dont celui ci-dessus est extrait. Plus loin, il commençait un autre poème par ces vers :

"Seigneur mon Dieu, Seigneur, je crois que je vivrai !

Oui, ma poitrine brûle et j'ai bien mal, c'est vrai...

Je vivrai, je vivrai !... Vouloir c'est déjà vivre !"

Le poête à le privilège de dire ce qu'il veut, mais pas toujours celui de faire comme il dit :

Paul VERLET devait décéder des complications de sa blessure en 1923...

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Commentaires
M
Pourriez-vous me dire où je pourrais trouver le livre "De la boue sous le ciel" de Paul VERLET.<br /> <br /> Vous en remerciant par avance,<br /> <br /> Cordialement,
Répondre
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